Google tracking

Commercialisant un outil de tracking du marketing multicanal (le meilleur en fait, tdIntegral), je suis de plus en plus challengé par des clients parlant de Google Analytics comme du nouvel outil magique et me demandant de me comparer à celui-ci. Je ne manquerai pas, peut-être dans un futur billet ou de vive voix de vous démontrer dans un avenir proche en quoi ma technologie est supérieure mais je souhaite m’arrêter ici sur le point plus philosophique de l’utilisation de Google pour le tracking.

Un peu d’histoire

 

Les web analytics

En 1998, lorsque j’ai commencé à travailler sur internet, il n’existait qu’une manière de repérer les 3 internautes que nous avions sur nos sites internet : l’analyse de logs. Un script assez basic au départ, s’occupait d’ingurgiter les milliers de lignes de fichiers de logs ((Les logs sont une trace inscrite le plus souvent dans un fichier qui décrit chaque action effectuée par un programme. Pour un serveur HTTP, chaque demande (requête) d’un internaute d’un élément est consigné dans le fichier de logs (y compris les images). Généralement, on trouve pour chaque requête la date et l’heure, l’IP de l’internaute, le fichier réclamé, le statut de la réponse (tout s’est bien passé, le fichier n’existe pas, etc.), le nombre de Ko transférés, etc. Ce sont des données techniques qui ont été “détournées” pour s’en servir en marketing.)) des serveurs http et d’en sortir des informations simples : nombre de requêtes, referer, heures de visites, etc.

Le leader de cette pratique était à l’époque Webtrends qui était installé par défaut par tous les hébergeurs sur les serveurs.

Quelques années plus tard, sont arrivés les web analytics à base de tags. Le principe est de poser un appel à une image transparente sur une page HTML. Le téléchargement de cette image par le navigateur génère un appel au serveur des statistiques qui récupère des informations sur le visiteur.

Ceci a représenté une avancée majeure en passant d’un système “server centric” à une technologie qui s’occupait de l’internaute. Du coup, on pouvait lui passer un cookie ((Avant l’utilisation des cookies, un internaute était identifié par son adresse IP. Le système était donc incapable de faire la différence entre votre collègue de bureau et vous-même en train de surfer sur www.lemonde.fr au même moment.)) qui permettait de le suivre tout au long de son parcours sur le site et en conclure des informations sur le temps passé par page, les chemin parcourus, etc.

Ces technologies se sont largement perfectionnées

  • un peu au niveau du tag auquel on a ajouté des informations transactionnelles permettant de remonter un montant de panier par exemple
  • beaucoup au niveau serveur où des algorithmes de plus en plus complexes permettent d’ordonner l’immense quantité d’information recueillie et en tirer des enseignements marketing

L’évolution du marché

Le modèle économique de ces acteurs était sensiblement le même pour tous

  • Une version gratuite allégée pour les sites persos (oui, ça s’appelait comme ça avant, les blogs) présentant en général une publicité pour l’outil de web analytics (souvenez-vous : logo-xiti)
  • Une version payante, généralement proportionnellement au trafic du à analyser, plus complète
  • Un certain nombre d’options qui s’ajoutent au prix de base (gestion des transactions d’achat, gestion de plusieurs sites au sein d’une même interface, etc.)

Une partie des outils a vu le virage du e-commerce et la difficulté que pouvaient avoir les commerçants à obtenir des statistiques “business” (catégories de produits, paniers moyens, nombre de produits achetés, cross-selling, etc.). Des outils web analytics se sont donc convertis en outils décisionnels web. L’enjeux pour eux étant d’arriver à intégrer le maximum de données de différentes sources pour être en mesure de fournir la “big picture” de l’activité web.

L’une des difficultés des acteurs a été de se positionner en terme de prix. La base technique n’est pas très compliquée mais la génération de rapports peu faire une vraie différence entre un outil se contentant de sortir quelques métriques du type nombre de page vues et un outils mettant en avant les chemin les plus parcourus sur un site, etc.

Ce point de tarif a été essentiellement résolue au travers de la “valeur perçue”. C’est à dire qu’une même technologie utilisée dans le cadre d’un blog (navigation simplissime, comptage du nombre de lecture par article) et dans le cadre d’un site de e-commerce (où chaque action sur le site est susceptible d’influencer le taux de transformation ou le panier moyen ce qui a une répercussion instantanée sur le CA) ne coûte pas (du tout) le même prix. Si bien que la question “Combien coûte un outil de web analytics ?” a des réponses entre quelques euros par mois à quelques milliers voire dizaines de milliers par mois.

On a vu le marché se séparer en 3 catégories d’acteurs

  • les gratuits (ou presque) comportant peu de fonctionnalités
  • les mid-size à quelques centaines d’euros par an, proposant quelques fonctionnalités avancées de tracking
  • les outils décisionnels web

C’était le bon temps, les annonceurs commençaient à comprendre qu’il leur fallait mettre la main au portefeuille pour faire parler leurs chiffres…

L’arrivée de Google

… et patatra, Google a racheté l’un des acteurs mid-size, Urchin (en 2005) et a tout cassé. Après de long mois d’absorption, Google a sorti un équivalent des acteurs mid-size… gratuitement ! Et comme c’est Google, un gros travail a été fait sur l’ergonomie avec une interface Ajax, de beaux graphiques, etc.

Un modèle gratuit

La gratuité a plusieurs conséquences, que, j’en conviens, je n’avais pas vu de prime abord

  • Tout d’abord, comme c’est gratuit pour tout le monde sans conditions ((Avec beaucoup de conditions en fait mais celle-ci ne concernent pas le trafic du site ou son usage professionnel)), c’est devenu un réflexe, voire une bonne pratique, d’installer Google Analytics sur tout nouveau site, y compris lorsque l’on a déjà une autre solution de web analytics
  • La gratuité a un autre impact beaucoup plus grave. Une solution payante, même à 1 euro par mois, obligerait beaucoup de sociétés à faire passer le dossier à la finance et à la direction juridique. Comme c’est gratuit, la personne qui implémente n’a besoin de l’autorisation de personne et ne lit pas les conditions générales d’utilisation. Si bien qu’elle accepte des conditions de cession des données qui feraient hurler sa direction juridique.

Tordons donc ici aux arguments les plus souvent entendus pour mettre en place Google Analytics.

C’est gratuit

Je viens d’en parler mais je peux repasser une couche. RIEN N’EST GRATUIT, Google est une entreprise donc son objectif est de faire des profits (ce qui ne me pose aucun problème en soi) et attend donc de toute action un retour. Pour n’importe quelle entreprise, les retours attendus des opérations “gratuites” peuvent être

  • La communication : mettre en place des actions gratuites est bon pour l’image.
  • Les économies d’impôts : un certain nombre d’actions comme le mécénat permettent aux entreprises d’économiser une partie de l’IS (quand en plus, on peut faire un peu de com…)
  • De l’avant-vente : c’est le cas par exemple des versions d’essai de logiciels
  • La motivation et l’efficacité des employés…
  • … et bien sûr tous les modèles faussement gratuits dans lesquels “un autre paie” (les modèles publicitaires par exemple)

C’est exactement dans ce modèle que se positionne Google Analytics sauf que ce n’est pas financé par la publicité. La justification de ne pas faire payer les utilisateurs est la ligne dans les conditions générales d’utilisation qui dit

Vous acceptez que Google et ses filiales puissent collecter, conserver, traiter et utiliser, sous réserve des stipulations de sa Charte de Confidentialité (…), des informations et des données personnelles relatives à votre utilisation (…) des Services (y compris notamment des Données Client) dans le but de vous fournir des services d’analyse de site internet et des visites ainsi qu’à des fins de comptabilité, de marketing et de gestion interne .

C’est clair, non ? Google vous offre Google Analytics en échange de l’ensemble des données qu’il va collecter. Simple, limpide, il suffisait d’y penser !

Je ne vois pas ce que Google pourrait faire de mes données

Ou Mes toutes petites données sont noyées dans l’océan de données que recueille Google

Premièrement, la raison pour laquelle vous utilisez Google (le moteur, pas le web analytics) est justement qu’il sait (assez bien, même) classer et restituer l’information que vous cherchez dans une quantité gigantesque de données. S’il est donc une entreprise qui sait ne pas se “noyer” dans un “océan de données”, c’est bien Google. Ils ont les ingénieurs, ils sont la technologie, ils ont les moyens de les faire parler !

Pour en faire quoi ? Effectivement, si cela sert simplement à faire des études statistiques sur le trafic des sites web dans le monde, le danger est discutable (quoique toujours présent), mais la réalité est ailleurs.

  • Où dépensez-vous 55% de l’enveloppe “acquisition” ((Chiffres EBG 2008)) de votre site e-commerce ?
    • Chez Google AdWords, le programme SEM de Google qui détient plus de 90% de part de marché en France.
  • Quel est le modèle d’achat du SEM ?
    • Au clic, chaque clic sur l’une de mes annonces m’est facturé par Google
  • Ha ? et combien ?
    • Ca dépend des mots
  • Ha ? et pour le mot “lave-linge” ?
    • Ca dépend des jours
  • Ha ? et hier, pour le clic que j’ai fait à 8h32 ?
    • Je n’en sais rien, en moyenne hier, j’ai payé le clic 0,52€ mais je ne sais pas combien j’ai payé votre clic.

… Nous y voila, le système d’enchère de Google Adwords.

AdWords

Il me sera donné une occasion dans un future proche de décrire plus précisément les mécaniques de AdWords et ses dangers éventuels mais ce qui nous intéresse ici est simplement que c’est un système d’enchères non transparent.

Voila le fond du problème, Google est l’une de vos sources principales de trafic au travers d’un programme de publicité opaque dans lequel vous ne payez pas le même prix que votre concurrent sans toutefois savoir si il paie plus ou non. Plus important, Google connait votre client. Il le connait même très bien, il voit ses emails, il intercepte sa messagerie instantanée, trace l’ensemble de ses recherches sur internet… et grâce à l’implémentation que vous avez faite de Google Analytics, il sait dorénavant le temps qu’il passe sur votre site, le contenu des pages qu’il lit, les références produits qui l’intéressent et le montant de son panier d’achat.

Google connait le potentiel d’achat de chacun des internautes. Il est en mesure de dire le clic de Paul sur “écran plasma” vaut plus que celui de Pierre car Paul achète plus, plus souvent. Et si Google facture effectivement plus cher le clic de Paul que celui de Pierre, comment le saurez-vous ? Vous n’en saurez rien car Adwords est opaque.

En conclusion, si vous placez Google Analytics sur votre site, vous donnez à Google un niveau d’information que vous refuseriez de donner à n’importe lequel de vos supports de communication… et le génie de Google aura été de vous faire croire que c’était pour vous rendre service !